S-LAW avait déjà écrit une news (15/02/2021) pour combattre l'idée fausse communément répandue qu'à 12 ans, l'enfant décide chez quel parent il veut habiter.
La nouvelle loi du 27 mars 2024 portant dispositions en matière de digitalisation de la justice et dispositions diverses, entrée en vigueur le 8 avril 2024, consacre de manière plus large le droit d'un mineur à être entendu par le Juge dans une procédure civile familiale et le cadre dans lequel doit se dérouler l'audition.
Dorénavant :
Tout mineur a le droit d'être entendu par un juge dans les matières qui le concernent à l'exception des demandes liées aux obligations alimentaires et les demandes purement financières ou patrimoniales qui ne concernent pas directement le patrimoine du mineur
L'objectif de la loi est de permettre au juge de prendre la décision la plus appropriée au regard de l'intérêt de l'enfant, en recueillant un maximum la parole de l'enfant dans une procédure familiale qui le concerne, tout en veillant à ce que l'audition se déroule dans un cadre serein et adapté à l'âge de l'enfant.
Le mineur qui a atteint l'âge de douze ans est informé d'office, dans les matières qui le concernent, par le juge de la famille de son droit à être entendu, en recevant une lettre à son domicile.
Il a alors le droit d'accepter d'être auditionné, de refuser ou tout simplement de ne pas répondre à l'invitation du juge, ce qui sera considéré comme un refus.
En ce qui concerne le mineur de moins de douze ans, le nouveau texte prévoit que ses représentants légaux sont informés par le juge de la possibilité qu'il puisse être entendu.
Néanmoins, le Juge conserve son pouvoir d'appréciation pour accepter ou refuser d'entendre le mineur de moins de douze ans, à condition de motiver sa décision par les circonstances de la cause.
Le déroulement de l'audition du mineur par le juge a lui aussi été revu puisque le mineur a maintenant le droit d'être assisté de la personne de confiance majeure de son choix lors de l'audition (il ne peut s'agir d'une personne impliquée dans la procédure ou d'un parent au deuxième degré de l'une des parties, exception faite des frères et sœurs du mineur dont la filiation est établie à l'égard des mêmes parents).
Lors de cette audition, le juge devra rappeler au mineur :
- L'objectif de son audition, soit lui permettre d'adresser ses préoccupations dans le but de contribuer à la recherche de la solution la plus appropriée eu égard à son intérêt.
- Lui expliquer qu'il n'a pas la responsabilité de trancher le litige.
- Lui rappeler que ses demandes ne seront pas nécessairement suivies.
- L'informer que les parties pourront prendre connaissance du rapport mais qu'il a le droit de préciser que tout ou partie des informations qu'il donne sont confidentielles. Les informations confidentielles ne figureront pas dans le rapport mais pourront être transmises au ministère public.
Les juridictions liégeoises mettent déjà en œuvre ce principe dans la pratique et l'enfant est averti lors de son audition de la manière suivante :
Madame le Juge se présente et lui explique qu'en principe, il appartient à ses parents de prendre une décision concernant l'organisation de son hébergement chez l'un et chez l'autre mais que vu le conflit qui les oppose, ils lui ont demandé de trancher. Ce ne sont donc pas les enfants qui vont décider mais elle qui va le faire. Afin de lui permettre de prendre une décision qui rencontre son intérêt, elle souhaiterait l'interroger mais elle ne lui demandera pas de dire sa préférence.
Elle l'informe du fait que ses déclarations seront consignées dans un rapport écrit et que ses parents pourrait en prendre connaissance
Enfin, le nouvel article 1004/3 du Code judiciaire prévoit aussi que le juge doit donner suite aux correspondances émanant du mineur tant qu'il n'a pas pris la décision définitive sur le point litigieux sur lequel le mineur a été entendu et y répondre de manière appropriée.
Si la parole de l'enfant est importante, il n'en reste pas moins qu'il ne décide donc pas et ses parents sont invités à lui expliquer la décision prise par le Juge, en tenant compte de son degré de maturité (paragraphe 7 de l'article 1004/1).
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